Aigus, âpres, dépouillés et saisissants, les dessins enchantés de Véronique Pastor voyagent entre lumières froides et dures ténèbres. Son espace est effervescent, incantatoire et magique. Tous les repères du visible sont mis en déroute, et l’insondable, toujours en éveil, noie les apparences.
Véronique Pastor ne cesse de créer des passerelles entre humanité et animalité, dans l’incertain combat de l’homme avec ses sources archaïques. Ce qui se crée vient d’avant le corps construit, dans le fracas silencieux de tous les attendus identitaires. Intense magma de pigments rares et de vie secrète. Eclairs de fragilité graphique.
Véronique Pastor s’arrime à l’effarement miraculeux des premiers regards, quand l’imaginaire bouleversé épouse à vif les premiers chocs du monde. Elle ensemence le vide, libérant les enveloppes charnelles qui s’agitent au fond des espaces de la peau. Ainsi s’inventent, dans l’impensable et dans l’inconnu, d’inouïs dessins d’âme, déliés, aventureux, prodigieux et lointains. Cartographie aérienne et venteuse d’une intériorité poignante, implacable et comme ouverte au rasoir.
Tentatives ténues et sidérantes de fuir l’enfermement du corps par d’humaines transparences en constantes transformations. Fascinantes saisies de ces mouvances éphémères.
Véronique Pastor crée de fabuleux archipels charnels, au cœur disséminé, éparpillé et vagabond. Elle invente une foultitude de trames plurielles, de situations décalées, d’entités bigarrées, et d’humaines architectures fantasmées. Sous le dessin qui surgit, hétérogène et somptueux, couve une infinité d’autres traces, infimes et enfouies, toutes chargées d’impensable rêverie corporelle. On traverse aisément du regard ces poussières d’êtres fantomatiques et lacunaires, toujours secoués d’absence. Ce sont corps d’humanité fragile, et dans l’extrême tension des noirs et des blancs, l’énigme de l’existence est leur territoire d’exode.
Parfois, rarement, un bleu d’outre-rêve s’arrache à l’opacité.
Parfois, rarement, de fines couleurs, en flaques intimes, incantent nos miroirs.
Christian Noorbergen / Critique d’Art